jeudi 23 octobre 2014

La Paix selon Saint François de Salle

PLAN DE LA PROBATION


1. L’enracinement biblique ………………………………………………………
2. L’enracinement humain : la paix est le fruit et le signe de la justice ……
3. La paix : don surnaturel, fruit de la charité …………………………………

PREMIÈRE PARTIE : LA PAIX INTÉRIEURE

4. La lutte contre la colère …………………………………………………………
5. La lutte contre l’empressement ………………………………………………
6. La connaissance de soi et la patience …………………………………………
7. La maîtrise de soi ………………………………………………………………
8. L’instruction, source de paix intérieure ………………………………………
9. De la modération dans nos appétits spirituels ………………………………
10. La mauvaise tristesse …………………………………………………………
11. Atteindre la sérénité

DEUXIÈME PARTIE : LA PAIX DANS LES ACTIVITÉS


12. La chambre du coeur et les excès dans nos activités ……………………
13. La multiplicité de nos occupations …………………………………………
14. Une détente convenable ………………………………………………………
15. Garder un esprit de paix dans nos responsabilités ………………………
16. S’amender doucement ………………………………………………………

TROISIÈME PARTIE : VIVRE EN PAIX AVEC LES AUTRES

17. Le manque de mesure ………………………………………………………
18. La jalousie …………………………………………………………………
19. Le mécontentement et les attitudes négatives ……………………………
20. Cheminons en paix ensemble ………………………………………………
21. Evitons les conversations sans charité ……………………………………
22. Le refus du pardon ……………………………………………………………

QUATRIÈME PARTIE :

LA PAIX, RÉPANDUE PAR L’ESPRIT SAINT, EST LE FRUIT DE LA CROIX

23. L’eucharistie, prière pour la paix …………………………………………
24. La paix, fruit de l’humilité …………………………………………………
25. La paix, fruit de l’obéissance ………………………………………………
26. La paix dépasse nos sentiments ……………………………………………
27. Jésus dit à la femme : « Tes péchés ont été pardonnés…Ta foi t’a sauvée. Va en paix. » (Lc 7, 48-50) ………………………………………………………
28. Jésus nous aide à traverser sans crainte les crises ………………………
29. Le Christ, notre paix …………………………………………………………
30. Conclusion ……………………………………………………………………








INTRODUCTION



1er jour - L’enracinement biblique

Que la paix soit avec toi ! Ne crains rien : tu ne mourras pas.
Gédéon éleva en cet endroit un autel à Yahvé et il le nomma Yahvé-Paix.
(Jg 6, 23-24)


En proposant cette probation sur la Paix, nous voulons renouveler la qualité évangélique de notre témoignage chrétien (cf. A.L. 19). Rappelons-nous que œuvrer pour la paix est une des béatitudes : Bienheureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. (Mt 5, 3-12)

L’enracinement biblique nous fournit une conception et une pratique très riche de la paix. PAIX, qui se dit « shalom » en hébreu et en arabe « salamalec », s’utilise à la fois pour dire bonjour et pour dire adieu. Jésus lui-même utilise cette salutation : Le soir, ce même jour, le premier de la semaine, et les portes étant closes, là où se trouvaient les disciples, par peur des Juifs, Jésus vint et se tint au milieu et il leur dit : « Paix à vous ! » Ayant dit cela, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie à la vue du Seigneur. Il leur dit alors, de nouveau : « Paix à vous ! » (Jn 20, 19)

Dans la Bible, le mot « paix » recouvre non seulement l’absence de guerre, mais la notion de plénitude, d’intégrité, de repos. Le souhait de la paix peut recouvrir l’idée de santé (2 S 18, 32), de sécurité (Jg 6, 23 ; Dn 10, 19), de ne plus avoir à redouter ses ennemis (Jos 21, 44), de bonne entente ou de concorde dans la vie fraternelle : mon familier, mon ami, c’est l’homme de ma paix (Ps 41), et, pour finir, l’idée de confiance mutuelle que sanctionne souvent une alliance.

Cette probation doit m’aider à sortir d’une routine où mon bonjour n’a rien d’un vrai souhait et où mon baiser de paix un peu mécanique ne contient pas toute ma charité à l’égard du frère qui est à côté de moi, que je ne regarde même pas dans les yeux en lui donnant la paix. Pensons à toutes les salutations que la Bible nous rapporte : la salutation de l’ange à Marie, la rencontre de Marie et d’Elisabeth… Les salutations de saint Paul sont très belles : Que Dieu le Père et le Seigneur Jésus Christ vous accordent grâce et paix. (2 Th 1)

Saint François de Sales nous invite à entrer dans la paix de Dieu en le saluant dans notre prière du matin et du soir. Ouvrir par l’oraison du matin les fenêtres de notre âme au Soleil de Justice et les fermer aux ténèbres le soir (IVD II, 12). Suis-je fidèle à cette rencontre qui permet à Notre Seigneur de m’accorder sa paix ? : Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix. (Jn 24, 27)


Suis-je quelqu’un de paisible ? Est-ce que j’apporte la paix aux autres ?

*

2ème jour - L’enracinement humain : la paix est le fruit et le signe de la justice

Sur le sentier de la justice : la vie ;
le chemin des pervers mène à la mort.
(Pr 12, 28)



Si la paix est le premier souhait que nous formulons à l’égard de ceux que nous rencontrons, c’est qu’elle est un bien fondamental. Dans son message pour la journée de la Paix, le 1er janvier 2006, Benoît XVI nous dit (§ 6) : « La paix est une aspiration profonde et irrépressible, présente dans le cœur de toute personne, au-delà des identités culturelles spécifiques. » Et, en 2008, il précise que c’est la famille humaine qui en donne la première éducation pratique :

Dans une saine vie familiale, on fait l’expérience de certaines composantes fondamentales de la paix : la justice et l’amour entre frères et sœurs, la fonction d’autorité manifestée par les parents, le service affectueux envers les membres les plus faibles parce que petits, malades ou âgés, l’aide mutuelle devant les nécessités de la vie, la disponibilité à accueillir l’autre et, si nécessaire, à lui pardonner. (1er janvier 2008, § 3, Benoît XVI)

S’apprenant dans la vie de famille, la paix s’enracine dans la vertu cardinale de justice. La paix est la somme des biens accordés à la justice : avoir une terre féconde, manger à satiété, habiter en sécurité, dormir sans crainte, triompher de ses ennemis, se multiplier, et tout cela en définitive parce que Dieu est avec nous (cf. Lv 26, 1-13). Loin d’être seulement une absence de guerre, la paix est plénitude du bonheur.
Saint François de Sales nous rend attentives au besoin de cultiver un esprit juste, un esprit de justice, dans l’Introduction à la vie dévote, IIIe partie, chapitre 36, qu’il intitule : « Qu’il faut avoir l’esprit juste et raisonnable ». Il nous dit : « Nous ne sommes hommes que par la raison, et c’est pourtant chose rare de trouver des hommes vraiment raisonnables, d’autant que l’amour-propre nous détraque ordinairement la raison, nous conduisant insensiblement à mille sortes de petites, mais dangereuses injustices et iniquités qui, comme les petits renardeaux desquels il est parlé aux Cantiques, démolissent les vignes ».
Nous ne devons pas oublier notre vocation baptismale qui nous incorpore dans un peuple de prêtres, de prophètes et de rois. Or, le roi est celui qui gouverne avec justice et procure ainsi la paix à son peuple. Toute injustice est source de révolte et de troubles. Ma vocation d’homme ou de femme chrétiens m’amène forcément à examiner ma conduite dans le domaine de la justice, pour voir si je me conduis de manière à favoriser la paix.

QUESTIONS POUR UNE DISCUSSION EN RÉUNION :

Pour aller plus loin, nous pouvons relire le paragraphe 2 du texte de Benoît XVI (1er janvier 2008), cité ci-dessus, sur une saine vie familiale/communautaire. Quelles sont les composantes de la paix que la famille/communauté contribue à faire acquérir ?
Relevons dans l’Introduction à la vie dévote IIIe partie, ch. 36, les difficultés que nous rencontrons pour avoir un esprit juste et raisonnable.
Après l’étude des deux premiers chapitres de cette probation, comment comprenons-nous les titres de Jésus, Prince de la paix, Messie royal ?


*


3ème jour - La paix : don surnaturel, fruit de la charité

Yahvé, votre Dieu, n’est-il pas avec vous ? (…)
Donnez maintenant votre cœur et votre âme à la recherche de Yahvé, votre Dieu.
(1 Ch 22, 18-19)



« Sachez... que Notre-Seigneur est appelé Prince de la Paix en l'Écriture, et que partant, partout où il est maître absolu, il tient tout en paix. »
(François de Sales à l'Abbesse du Puits-d'Orbe, 16 juillet 1609)

Tout homme aspire au bonheur, c’est-à-dire à la vie, à la paix, à la joie, au repos, à la bénédiction, au salut. Dieu seul en est la source et le Christ Jésus nous montre le chemin qui conduit à la béatitude du ciel. Il nous enseigne en quoi consiste le vrai bonheur dans les béatitudes. Jésus dégage la paix des limitations terrestres que l’Ancien Testament lui donnait en payant, comme serviteur souffrant (cf. Is 53, 5), le prix de la paix et en ouvrant un nouveau paradis. Aimer la source, c’est recueillir les fruits, s’unir au « grand Roi pacifique, Jésus-Christ Notre-Seigneur », c’est régner avec Lui (cf. TAD X, 4).

Le fruit de la paix est donc contenu dans la douceur du commandement que Dieu nous a fait de l’aimer en toutes choses. C’est le chemin que Jésus nous montre et que commente saint François de Sales dans le livre X du Traité de l’amour de Dieu. Écoutons-le stimuler notre cœur à l’amour de Dieu :
Si aucune loi n’est imposée au juste, parce que… il fait la volonté de Dieu par l’instinct de la charité qui règne en son âme… Nous aimerons Dieu au Ciel, Théotime, non comme liés et obligés par la loi, mais comme attirés et ravis par la joie que cet objet si parfaitement aimable donnera à nos coeurs ; alors la force du commandement cessera pour faire place à la force du contentement…  (TAD X, 2).

En attendant la paix du Ciel, fruit de notre charité, saint François de Sales nous enseigne que notre amour de Dieu a besoin de purification. Nos tendres âmes aiment
avec Notre-Seigneur quantité de choses superflues, vaines et dangereuses. Et comme un phénix nouvellement éclos de sa cendre, n’ayant encore que des petites plumes fluettes et des poils follets, ne peut faire que des petits élans par lesquels il doit être dit sauter plutôt que voler, ainsi ces tendres jeunes âmes, nouvellement nées dans la cendre de leur pénitence, ne peuvent encore pas prendre l’essor et voler au plein air de l’amour sacré, retenues dans une multitude de mauvaises inclinations et habitudes dépravées que les péchés de la vie passée leur ont laissés. Elles sont néanmoins vivantes, animées et emplumées de l’amour, et de l’amour vrai, autrement elles n’eussent pas quitté le péché ; mais amour néanmoins encore faible et jeune, qui, environné d’une quantité d’autres amours, ne peut pas produire tant de fruits comme il ferait s’il possédait entièrement le cœur. (TAD X, 4)

Certes, nous aimons Dieu d’un amour vrai, dit saint François de Sales, mais nous l’aimons comme des jeunes filles avec quantité d’autres choses :

D’autant que les jeunes fillettes aiment voirement bien leurs époux, si elles en ont, mais ne laissent pas d’aimer grandement les bagatelles, et leurs compagnes avec lesquelles elles s’amusent éperdument à jouer, danser, et folâtrer, s’entretenant avec les petits oiseaux, petits chiens, écureuils et autres tels jouets… Certes, comme les menus dérèglements en paroles, en gestes, en habits, en passe-temps et folâtreries, ne sont pas à proprement parler contre la volonté de Dieu, aussi ne sont-ils pas selon celle-ci mais hors de celle-ci et sans celle-ci. (TAD X, 4)
Nous restons tiraillés, le coeur partagé entre les amours de choses terrestres et l’amour de Dieu, source de tout bien et de toute paix. Nous devons donc viser le rang de reines, de celles qui sont les « parfaites amies » de l’Époux parce que « c’est Dieu Seul qu’elles aiment » et « qu’elles lui sont toutes dédiées, sans division ni séparation quelconque, n’aimant rien hors de lui et sans lui, mais seulement en lui et pour lui ». (cf. TAD X, 5)

Avant de poursuivre cette probation, et après avoir lu le livre X du Traité de l’amour de Dieu, si je peux trouver le temps, JE RELIS MON ACTE DE CONSÉCRATION et je le renouvelle, me rendant mieux compte que ce que « Dieu requiert de nous, c’est qu’entre tous nos amours le sien soit plus cordial, dominant sur tout notre coeur, le plus affectionné, occupant toute notre âme, le plus général, employant toutes nos puissances, le plus relevé, remplissant tout notre esprit, et le plus ferme, exerçant toute notre force et vigueur. Et parce que par celui-ci nous choisissons et élisons Dieu pour le souverain objet de notre esprit, c’est un amour de souveraine élection, ou une élection de souverain amour ». (TAD X, 6)

Est-ce que je pense à demander à Jésus de m’aider à trouver la simplicité et la paix ?


PREMIÈRE PARTIE : LA PAIX INTÉRIEURE


Règle de vie (art. 7) : La vocation chrétienne est un appel constant à la conversion : par la pénitence intérieure et extérieure nous participerons aux souffrances, à la mort et à la résurrection du Christ. (Dans les exercices de mortification) il faut commencer par l’intérieur (…) car le cœur étant source des actions, elles sont telles qu’il est.

Mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur. (Mt 11, 29)

La première terre sur laquelle Notre Seigneur souhaite régner, c’est notre cœur. En nous délivrant de l’esclavage du péché, Dieu nous mène « vers une contrée où ruissellent lait et miel » (Ex 3, 8). Si nous voulons la paix du cœur, nous devons écarter de celui-ci tout ce qui s’oppose à la paix et, en tout premier lieu, la violence sous toutes ses formes pour mettre à sa place la douceur qui attire à elle et crée en nous la possibilité d’un lieu de paix et d’épanouissement.

*

4ème jour - La lutte contre la colère

Aigreur, emportement, colère, clameurs, outrages,
tout cela doit être extirpé de chez vous avec la malice sous toutes ses formes.
(Ep 4, 31)


La charité qui doit habiter nos cœurs « est dans sa perfection quand non seulement elle est patiente, mais quand outre cela elle est douce et débonnaire ». (IVD VIII, 8) C’est pourquoi nous devons examiner notre cœur pour voir si quelque passion violente, telle ou telle colère, ne lui a pas ravi sa paix. Saint François de Sales nous dit :

Cette misérable vie n’est qu’un acheminement à la bienheureuse ; ne nous courrouçons donc pas en chemin les uns avec les autres, marchons avec la troupe de nos frères et compagnons doucement, paisiblement et amiablement. (IVD III, 8)
Rappelons-nous que la colère est une passion, une passion violente et destructrice. Elle exerce une tyrannie sur l’âme raisonnable. Nous devons donc « entreprendre de vivre sans colère » car, si la colère « peut gagner la nuit et que le soleil se couche sur notre ire (ce que l’Apôtre défend, Ep 4, 26), se convertissant en haine, il n’y a quasi plus moyen de s’en défaire ; car elle se nourrit de mille fausses persuasions, puisque jamais nul homme courroucé ne pensa son courroux être injuste ». (IVD III, 8)

Mais comment se débarrasser d’une colère ? « Il faut invoquer le secours de Dieu quand nous nous voyons agités de colère, à l’imitation des Apôtres tourmentés du vent et de l’orage parmi les eaux ; car il commandera à nos passions qu’elles cessent, et la tranquillité se fera grande. » (IVD III, 8)

Si je m’aperçois que j’ai commis quelque acte de colère, je prierai Dieu de me venir en aide et je réparerai la faute par un acte de douceur envers la personne que j’ai irritée.

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5ème jour - La lutte contre l’empressement
Les projets de l’homme diligent ne sont que profit ;
pour qui se presse, rien que la disette !
(Pr 21, 5)

Une autre forme de violence est l’empressement. « Les fleuves qui vont doucement coulant en la plaine portent les grands bateaux et riches marchandises, et les pluies qui tombent doucement en la campagne la fécondent d’herbes et de graines ; mais les torrents et rivières qui, à grands flots, courent sur la terre, ruinent leurs voisinages et sont inutiles au trafic, comme les pluies véhémentes et tempétueuses ravagent les champs et les prairies. » (IVD III, X)

Saint François de Sales nous donne le conseil suivant : « Recevez donc les affaires qui vous arriveront en paix et tâchez de les faire par ordre, l’un après l’autre ; car si vous les voulez faire tout d’un coup ou en désordre, vous ferez des efforts qui vous fouleront et alanguiront votre esprit ; et pour l’ordinaire vous demeurerez accablée sous la presse, et sans effet. » (IVD III, X)

L’inquiétude est une autre forme d’empressement, comme saint François de Sales nous le montre :

L’inquiétude provient d’un désir déréglé d’être délivré du mal que l’on sent, ou d’acquérir le bien que l’on espère ; et néanmoins il n’y a rien qui empire plus le mal et qui éloigne plus le bien, que l’inquiétude et empressement. Les oiseaux demeurent pris dedans les filets et lacs parce que s’y trouvant engagés ils se débattent et remuent dérèglement pour en sortir, ce que faisant ils s’enveloppent toujours tant plus. Quand donc vous serez pressée du désir d’être délivrée de quelque mal ou de parvenir à quelque bien, avant toute chose mettez votre esprit en repos et tranquillité, faites rasseoir votre jugement et votre volonté, et puis, tout bellement et doucement, pourchassez l’issue de votre désir, prenant par ordre les moyens qui seront convenables ; et quand je dis tout bellement, je ne veux pas dire négligemment, mais sans empressement, trouble et inquiétude ; autrement en lieu d’avoir l’effet de votre désir vous gâterez tout et vous embarrasserez plus fort. (IVD IV, 11)

« Toutes les pensées qui nous rendent de l’inquiétude et agitation d’esprit ne sont nullement de Dieu, qui est prince de la paix : ce sont donc des tentations de l’ennemi, et partant il les faut rejeter et n’en tenir compte. » (Lettre à Madame Bourgeois, abbesse du Puits-d’Orbe, le 18 avril 1605, EA 13, p. 25-35) Les tentations sont des esprits impurs, ce sont eux qui sèment la zizanie (du grec zizanion = ivraie), ce sont eux qui sèment dans mon cœur toutes ces passions. Ne nous trompons pas de combat, car « ce ne sont pas contre des adversaires de chair et de sang que nous avons à lutter mais contre les esprits du mal qui habitent les espaces célestes ». (Ep 6, 12-18) Saint Paul nous exhorte ainsi d’avoir, comme chaussures aux pieds, l’élan pour annoncer l’Évangile de la paix (cf. Ep 6, 12-18).


En effet, l’empressement est la tentation d’une personne qui ne s’abandonne pas totalement entre les bras de la Providence. Elle ne sait pas quitter son obstination, sa volonté propre et ses limites pour vivre l’aujourd’hui que Dieu lui présente. Le baume de l’Esprit Saint adoucit et arrose notre cœur, afin que les passions et affections de notre cœur s’unifient et se pacifient, en nous rendant souples et malléables.

Écoutons encore saint François de Sales nous rappeler l’abandon à la conduite de l’Esprit de Jésus : « Je vous dirai maintenant ce que je vous avais promis. Il me semble que je vous vois empressée avec une grande inquiétude à la quête de la perfection. Car c’est cela qui vous a fait craindre ces petites consolations et ces sentiments. Or, je vous dis en vérité, comme il est écrit au Livre des Rois (1 R 19, 12) : Dieu n’est ni au vent fort, ni en l’agitation, ni en ces feux, mais en cette douce et tranquille portée d’un vent presque imperceptible. Laissez-vous gouverner par Dieu, ne pensez pas tant à vous même. » (Lettre à la Sœur de Soulfour, 16 janvier 1603, EA XII, p. 166)

Qu’est-ce qui motive notre empressement ? Sommes-nous inquiètes pour nous-mêmes ? Est-ce pour que nous ne puissions pas être critiquées ? Ou au contraire, est-ce que nous agissons par amour ? Croyons-nous que la providence de Dieu se charge de nos vies ?
« Tout par amour, et rien par force. » Saint François de Sales


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6ème jour - La connaissance de soi et la patience

Yahvé est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour, (v8)
il sait de quoi nous sommes pétris (v 14)
(Ps 103 [102])


Nous avons beaucoup de mal à prendre conscience des dégâts que cause notre impatience. Saint François de Sales conseille à Madame de la Fléchère (Lettre CDXLIV, 1608) de s’efforcer de maintenir la paix intérieure et la suavité : « Préparez dès le matin votre âme à la tranquillité. » Cela ne veut pas seulement dire de programmer sa journée, mais aussi d’être décidé à combattre l’inquiétude face aux tribulations de l’existence, le trouble intérieur et l’angoisse qui créent une espèce de vide indéfini, nous enveloppant de tristesse.

Même dans le domaine spirituel, nous voulons tout de suite arriver au but et nos fautes nous précipitent dans le trouble :

« Mon Dieu, la grande pitié que le seul désir de la perfection ne suffise pas pour l’avoir, mais qu’il la faille acquérir à la sueur de notre visage et à force de travail ! » (Sermon pour le premier dimanche de Carême, le 13 février 1622, EA X, p. 206) « Mais je suis si imparfaite, dites-vous. – je le crois bien, aussi ne pensez pas pouvoir vivre sans commettre des imperfections, d’autant que cela est impossible tandis que vous serez en cette vie. Il suffit que vous ne les aimiez pas, et qu’elles ne vivent pas dans votre cœur, c’est-à-dire que vous ne les commettiez pas volontairement et que vous ne vouliez pas persévérer en celles-ci. Cela étant, demeurez en paix, et ne vous troublez point pour la perfection que vous désirez tant : il suffira bien que vous l’ayez en mourant. Ne soyez donc pas si craintive : marchez assurément. Si vous êtes armée de l’armure de la foi, rien ne vous saura nuire. » (Idem, EA X, p. 206-7)

A Madame de La Fléchère qui est impatiente de devenir parfaite, saint François de Sales écrit : « Il n’est pas possible que vous soyez si tôt maîtresse de votre âme et que vous la teniez en votre main si absolument de premier abord. Contentez-vous de gagner de temps en temps quelque petit avantage sur votre passion ennemie. Il faut supporter les autres, mais premièrement, il faut se supporter soi-même et avoir patience d’être imparfait. » (Lettre à Madame de la Fléchère, le 8 avril 1608)

PRIÈRE  : Seigneur, viens à mon aide. J’ai confiance en toi.

* * *
Sainte Marie, Mère très aimable, Reine de la Paix, prie pour moi. Demande à ton divin Fils de m’accorder aujourd’hui le don de la tranquillité et de la paix intérieure afin que je puisse Le servir avec plus d’amour.


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7ème jour - La maîtrise de soi
Mieux vaut un homme lent à la colère qu’un héros,
un homme maître de soi qu’un preneur de villes.
(Pr 16, 32)

RÈGLE DE VIE (art. 16) : Dans les situations ordinaires et extraordinaires de notre vie, nous nous appliquerons à garder la maîtrise de soi et l’équilibre dont nous imprègne la spiritualité salésienne, afin d’être dans le monde des éléments de paix.

Nous perdons souvent la paix intérieure en nous laissant envahir par nos états d’âme. Comprenons bien que l’agitation intérieure nous ravit notre paix. Si la contemplation de la nature, la marche et l’attention au moment présent peuvent avoir une action apaisante sur nos états d’âme, saint François de Sales nous rappelle, avec un brin d’humour, que nous avons tendance à vouloir chasser nos troubles intérieurs impétueusement. « Car, comme on voit dans les audiences de plusieurs sénats et parlements, que les huissiers criant : Paix là, font plus de bruit que ceux qu’ils veulent faire taire, aussi il arrive maintes fois que, voulant avec impétuosité réprimer notre colère, nous excitons plus de trouble en notre cœur qu’elle n’avait pas fait, et le cœur étant ainsi troublé ne peut plus être maître de soi-même. » (IVD III, 8) Il recommande donc de se tourner vers le Seigneur :
Jésus-Christ, du haut du Ciel, vous regarde en sa débonnaireté et vous invite doucement : Viens, ô ma chère âme, au repos éternel entre les bras de ma bonté, qui t’a préparé les délices immortelles en l’abondance de son amour. (IVD I, 17)
Mettons donc Jésus à la place de nos envies, irritations, tristesses et inquiétudes, tournons-nous vers Lui, nous dit saint François de Sales : « Je veux dire qu’il faut invoquer le secours de Dieu quand nous nous voyons agités de colère, à l’imitation des Apôtres tourmentés du vent et de l’orage parmi les eaux ; car il commandera à nos passions qu’elles cessent, et la tranquillité se fera grande. » (IVD III, 8) Jésus, toujours présent dans nos tempêtes, nous invite à avoir une foi humble, confiante et forte. Il nous invite à reconnaître l’esprit du mal par le fait qu’il est obstiné, fier, effronté, et source d’ennuis.

Faisons un effort pour repérer et repousser nos états d’âme avec douceur, nous humiliant devant Dieu. Acceptons nos pauvretés. Nos tempêtes destructives doivent céder devant le calme créateur et bienfaisant de Dieu.

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8ème jour - L’instruction, source de paix intérieure

Laissez-vous instruire par mes paroles : vous y trouverez profit.
(Sg 6, 25)


Méditons sur l’importance du désir d’instruction. Déjà l’Ancien Testament souligne la fécondité de la parole de Dieu : Que ma doctrine ruisselle comme la pluie, que ma parole tombe comme la rosée, comme les averses sur l’herbe verdoyante. (Dt 32, 2) L’évangile de saint Marc insiste plusieurs fois sur le fait que Jésus instruisait ses disciples (Mc 9, 31) et le récit de la multiplication des pains note : « Il se mit à les instruire longuement ». L’Église poursuit inlassablement cette mission du Christ, nous instruisant par la prédication, par les catéchismes, l’enseignement etc. Saint François de Sales a publié ses œuvres dans le but de nous instruire. C’est ainsi que, par l’instruction, la lumière de Dieu peut entrer dans nos cœurs.

Saint François de Sales disait, en réponse aux questions des Visitandines : « Il importe grandement de nourrir les filles aux vérités et clartés de la foi ; encore qu’elles aient de la peine, il ne faut pas laisser de les élever à cela, et ne leur pas permettre de s’amuser à ces tendretés et sentiments qui ne sont rien moins que la vraie vertu. » (ES, Questions, Pléiade, p. 1299)

L’instruction favorise la paix, en ce sens qu’elle libère de bien des troubles et donne une ouverture d’esprit et de cœur. L’ignorance religieuse de ceux qui ne connaissent pas Dieu, comme l’ignorance humaine de ceux qui n’ont pas accès à l’écriture, est une violence faite à la dignité de la personne. Une personne instruite est plus libre par rapport aux factions, fanatismes, sectarismes. Elle a moins peur de lâcher le passé pour vivre les défis du présent. La vérité vous rendra libre. (Jn 8, 32)

Il faut nous rappeler la façon dont Jésus a donné la paix à la femme de Samarie, la libérant de son ignorance et lui permettant de donner son témoignage (cf. Jn 4). Il nous faut également considérer le fait que le témoignage que nous portons au Christ demande que nous soyons « toujours prêts à la défense contre quiconque nous demande raison de l’espérance qui est en nous ». (1 P 3, 15) Peut-être y aurait-il plus de personnes qui resteraient dans l’Église si elles avaient une compréhension plus adulte des vérités de la foi. Malheureusement, beaucoup n’approfondissent pas leur foi et cette compréhension limitée ne les soutient pas.

Évidemment on ne peut pas tout apprendre ni tout savoir. Nous sommes des êtres limités. Les possibilités de chacun sont diverses. Les uns sont plus pratiques, les autres plus intellectuels, mais nous devons chercher à nous instruire pour éviter de nous enfermer dans des routines, des préjugés et des vues trop étroites. Nos lectures peuvent fournir la matière d’un échange, même avec une personne qui se dit athée. Ainsi, tout en répondant à nos propres questions, nous pouvons être des vecteurs de lumière pour nos proches et pour ceux que la Providence met sur notre chemin.

Gaudium et Spes (§ 61) dit :

« Que les loisirs soient bien employés pour se détendre et pour fortifier la santé de l’esprit et du corps en se livrant à des activités et à des études désintéressées. »

Questions pour le groupe : Quel effort d’étude désintéressée avons-nous fait cette année ? Comment pouvons-nous mieux partager les richesses de nos lectures ou de nos formations ?


*
9ème jour - De la modération dans nos appétits spirituels

Maintenant donc, ainsi parle Yahvé Sabaot. Réfléchissez en votre cœur au chemin que vous avez pris !
Vous avez semé beaucoup mais peu engrangé ; vous avez mangé, mais pas à votre faim…
Vous attendiez l’abondance et ce fut maigre.
(Ag 1, 5-6.9)


Nos désirs de connaître et de progresser spirituellement peuvent nous enlever la paix. Comment cela ? Écoutons saint François de Sales parler aux Visitandines :

Ceux qui étant en festin, vont picotant chaque mets et en mangent de tous un peu, se détraquent si fort l’estomac, dans lequel se fait une grande indigestion qui les empêche de dormir toute la nuit, ne pouvant faire autre chose que cracher. Ces âmes qui veulent savoir et goûter toutes les méthodes et de tous les moyens qui nous conduisent ou peuvent conduire à la perfection en font tout de même ; car l’estomac de leur volonté n’ayant pas assez de chaleur pour digérer et mettre en pratique tant de moyens, il se fait une certaine crudité et indigestion qui leur empêche le repos et la tranquillité de l’esprit auprès de Notre-Seigneur, qui est cet un nécessaire que Marie a choisi, et ne lui sera point ôté (ES, Pléiade, p. 1059-60).
Cessons donc de courir après toutes les rencontres, toutes les retraites, toutes les conférences. Sachons rester un moment au calme auprès de Notre Seigneur. Il saura bien fournir à notre âme la nourriture qui lui convient. En effet, lorsque, par l’oraison, nous tournons nos cœurs vers Notre Seigneur, nous pratiquons l’amour de Dieu : « Je suis vôtre, Seigneur, et ne dois être qu’à vous ; mon âme est vôtre, et ne doit vivre que par vous ; ma volonté est vôtre, et ne doit tendre qu’en vous. Je vous dois aimer comme mon premier principe, puisque je suis de vous ; je vous dois aimer comme ma fin et mon repos, puisque je suis pour vous ; je vous dois aimer plus que mon être, puisque mon être subsiste par vous ; je vous dois aimer plus que moi-même, puisque je suis tout à vous et en vous. » (TAD X, 10, Pléiade, p. 842)

Demandons à Marie de nous aider à nous contenter d’une vie calme, remplie d’une prière calme, ne quittant cette retraite calme que pour les calmes oeuvres de la charité.

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10ème jour - La mauvaise tristesse

Qui d’entre vous d’ailleurs peut, en s’en inquiétant,
ajouter une coudée à la longueur de sa vie ?
(Lc 12, 25)


Saint François de Sales ne répertorie que deux bonnes  tristesses : la miséricorde et la pénitence pour nos péchés. Il classe les autres dans la catégorie des mauvaises : l’angoisse, la paresse, l’indignation, la jalousie, l’envie et l’impatience. « La mauvaise tristesse trouble l’âme, la met en inquiétude, donne des craintes déréglées, dégoûte de l’oraison, assoupit et accable le cerveau, prive l’âme de conseil, de résolution, de jugement et de courage, et abat les forces : bref, elle est comme un dur hiver qui fauche toute la beauté de la terre et engourdit tous les animaux ; car elle ôte toute suavité de l’âme et la rend presque percluse et impuissante en toutes ses facultés. » (IVD IV, 12)

Quels remèdes appliquer à nos inclinations vers la tristesse ? Notre saint nous dit : « Chantez des cantiques spirituels. »
En effet, si nous ouvrons le livre des psaumes, nous trouverons de quoi renouveler notre foi et notre espérance en l’amour de Dieu et chasser notre mauvaise tristesse. Il faut même en faire provision à employer quand l’hiver de la tristesse nous accable. Un exemple peut nous donner envie de chercher notre consolation en Dieu : Retourne, mon âme, à ton repos, car Yahvé t’a fait du bien. Il a gardé [mon âme de la mort] mes yeux des larmes et mes pieds du faux-pas. (Ps 116, 7-8)

Un autre remède préconisé par saint François de Sales est le suivant : « Il est bon de s’employer aux œuvres extérieures et les diversifier le plus que l’on peut, pour divertir l’âme de l’objet triste, purifier et échauffer les esprits, la tristesse étant une passion de la complexion froide et sèche. » (IVD IV, 12)

« Et en fin finale, résignez-vous entre les mains de Dieu, vous préparant à souffrir cette ennuyeuse tristesse patiemment, comme juste punition de vos vaines allégresses ; et ne doutez nullement que Dieu, après vous avoir éprouvée, ne vous délivre de ce mal. » (IVD IV, 12)

Dans son livre « Directions spirituelles de saint François de Sales sur la souffrance » (p. 26), notre fondateur, le Père Chaumont, nous recommande ceci : « Ne craignez point Dieu, car il ne vous veut faire nul mal. »

Résolution : Pour chasser mes tristesses, je méditerai sur la paix du ciel, en commençant par le chant des Anges (Lc 2, 14) : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’il aime ! » et en méditant les paroles de saint François de Sales dans le TAD livre X, chap. 2 : « Nous aimerons Dieu au Ciel, Théotime, non comme liés et obligés par la loi, mais comme attirés et ravis par la joie que cet objet si parfaitement aimable donnera à nos cœurs. »

Quels moyens pouvons-nous trouver pour détourner notre esprit de sujets qui nous dépriment ?


*
11ème jour - Atteindre la sérénité

Tu seras comme un jardin arrosé,
comme une source jaillissante dont les eaux ne tarissent pas.
(Is 58, 11)


La sérénité est la capacité d’avoir la maîtrise de notre âme, sachant qui nous sommes, sans nous laisser gagner par l’agitation ou le désordre, sachant faire face aux défis de la vie d’une manière calme et sereine, éprouvant la force qui vient de la discipline et de la maîtrise de soi.  En somme, il s’agit de garder l’égalité d’âme dans l’inégalité des accidents de la vie.

Mais ne pensons pas atteindre en un jour la sérénité que saint François de Sales appelle « la sainte égalité ». La vie nous surprend par ses orages et nous avons besoin d’être solidement ancrés en l’amour de Dieu :
Car, comme les avettes se voyant surprises du vent en campagne, embrassent des pierres pour se pouvoir balancer en l’air et n’être pas si aisément transportées à la merci de l’orage, ainsi notre âme ayant vivement embrassé par résolution le précieux amour de son Dieu, demeure constante parmi l’inconstance et vicissitude des consolations et afflictions, tant spirituelles que temporelles, tant extérieures qu’intérieures. (IVD IV, 13)
Saint François de Sales nous prévient que Dieu éprouve notre dévotion pour voir si elle est de type sensible, qu’il compare à des « champignons spirituels » produits par la pluie passagère, mais superficielle, d’un été bien chaud. Nous devons au contraire chercher « la vraie et solide dévotion, qui consiste en une volonté constante, résolue, prompte et active d’exécuter ce que l’on sait agréable à Dieu ». (IVD IV, 13)
Je n’atteindrai pas la sérénité sans la volonté de puiser en Dieu la source de mon dynamisme par la prière, sans me ressourcer (retraite annuelle, lectures), sans m’efforcer d’être souple devant les changements.



Prière à l’Esprit Saint (traduit de l’anglais)

Viens Esprit Saint, remplis mon cœur de tes saints dons.

Que ta force pénètre ma faiblesse en ce jour afin que je puisse accomplir consciencieusement les devoirs de mon état, que je puisse faire ce qui est droit et juste.

Que ma charité soit telle que je n’offense et ne blesse personne; qu’elle soit si généreuse que je puisse pardonner sincèrement tout tort qui m’a été fait.

Assiste-moi, O Esprit Saint, dans toutes les épreuves de la vie, éclaire-moi dans mon ignorance, conseille-moi dans mes doutes, fortifie-moi dans ma faiblesse, aide-moi dans tous mes besoins, protège-moi dans les tentations et console-moi dans les afflictions.

Daigne m’entendre, O Esprit Saint, et verser ta lumière dans mon coeur, dans mon âme et dans mon esprit.

Assiste-moi pour que je mène une vie sainte et que je grandisse en bonté et en grâce. Amen.

La paix, la lumière, nous ne les recevons que de Dieu seul. Jour après jour, dans la constance, prions-le de nous les accorder.


DEUXIÈME PARTIE

LA PAIX DANS LES ACTIVITÉS

J’ai vu sa conduite, mais je le guérirai, je le conduirai, je lui prodiguerai le réconfort. (…)
« Paix ! paix à qui est loin et à qui est proche » dit Yahvé.
Mais les méchants sont comme la mer agitée qui ne peut se calmer.
(Is 57, 18-20)

On peut mesurer sa paix intérieure à la manière dont on se conduit dans l’action. Saint François de Sales emploie l’image de la barque pour nous dire de poursuivre paisiblement les activités propres à notre vocation de chrétiens dans le monde :

Il faut simplifier notre esprit, et, ayant abandonné et quitté tout ce qui déplaît à Dieu, demeurer en paix dans notre barque, c’est-à-dire faire en paix les exercices de notre vocation. Et ne nous empressons point de notre avancement ; car comme ceux qui sont en une barque où il y a du bon vent, sans remuer tirent au port, aussi ceux qui sont en une vocation bonne, sans s’embesogner de leur profit, profitent et s’avancent perpétuellement. (Avis à la Mère de Chantal, [1613-1615 ?], EA XXVI, p. 270-1)

En plus de ce bon conseil, le Père Chaumont insiste sur l’importance du calme dans nos occupations :

Si rapidement que se déroulent les années qui ne mènent à l’éternité, il faut précisément pour y arriver dans de bonnes conditions, cheminer dans le calme. Je vous souhaite le calme, je vous conseille le calme, je veux positivement que vous restiez calme malgré tous les prétextes de trouble et d’agitation que le démon accumule en vous et en dehors de vous. Du calme dans les prières et les exercices de piété; du calme dans la pratique des devoirs d’état; du calme dans les rapports de vive voix ou par écrit avec tout le monde; du calme dans les pensées, dans les souvenirs, dans les espérances. Que Jésus, Prince de paix, vous bénisse et vous rende calme comme l’était Marie, sa très sainte Mère, au plus fort de ses peines. Oh, si vous vouliez aller un peu souvent à l’école de la très sainte Vierge qui, en faisant tranquillement, simplement mais suavement et amoureusement pour le Bon Dieu, les plus humbles comme les plus grandes choses, a dépassé l’amour même des séraphins. Aimez donc bien Notre Seigneur, et restez calme. (publié par la société)

Si nous laissons Dieu nous conduire, nous éviterons l’agitation qui gâte nos efforts à Le servir.

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12ème jour - La chambre du cœur et les excès dans nos activités

À son ombre désirée je me suis assise, et son fruit est doux à mon palais.
(Ct 2, 3)


Mais comment faire pour éviter l’agitation ? Il est nécessaire, dit saint François de Sales, d’aménager dans notre cœur une chambre et de s’y retirer pour se recréer parmi les tracas de nos affaires :

Aspirez donc bien souvent en Dieu, Philothée, par des courts mais ardents élancements de votre coeur : admirez sa beauté, invoquez son aide, jetez-vous en esprit au pied de la Croix, adorez sa bonté, interrogez-le souvent de votre salut, donnez-lui mille fois le jour votre âme, fichez vos yeux intérieurs sur sa douceur, tendez-lui la main, comme un petit enfant à son père, afin qu’il vous conduise, mettez-le sur votre poitrine comme un bouquet délicieux, plantez-le en votre âme comme un étendard, et faites mille sortes de divers mouvements de votre cœur pour vous donner de l’amour de Dieu, et vous exciter à une passionnée et tendre dilection de ce divin Époux. (IVD II, 13)

Cette retraite spirituelle auprès du Seigneur nous évitera d’être des « serviteur ardents et violents » qui sont « coutumiers d’outre-passer l’intention de leur maître ». (TAD X, 15) Elle calmera nos excès de zèle et les ordonnera. Saint François de Sales note que « l’amour-propre nous trompe souvent et nous donne le change, exerçant ses propres passions sous le nom de zèle ». (TAD X, 15)

Dans son chapitre sur le zèle, saint François de Sales retient trois façons de pratiquer nos talents :

Premièrement, en faisant des grandes actions de justice pour repousser le mal : et cela n’appartient qu’à ceux qui ont les offices publics de corriger, censurer et reprendre en qualité de supérieurs, comme les princes, magistrats, prélats, prédicateurs ; mais parce que cet office est respectable, chacun l’entreprend, chacun s’en veut mêler. (TAD X, 16)

Secondement, on use du zèle en faisant des actions de grande vertu pour donner bon exemple, suggérant les remèdes au mal, exhortant à les employer, opérant le bien au mal qu’on désire exterminer ; ce qui appartient à un chacun, et néanmoins peu de gens le veulent faire. (TAD X, 16)

Enfin, on exerce le zèle très excellemment en souffrant et pâtissant beaucoup pour empêcher et détourner le mal ; et presque nul ne veut cette sorte de zèle. (TAD X, 16)

Si nous réfléchissons bien, nous voyons, dans le premier cas, qu’un grand nombre d’hommes se contentent de censurer les hommes d’action et de ne rien faire. Souvent, dit saint François de Sales, ce sont « les esprits aigres, chagrins, présomptueux et médisants, servant à leurs inclinations, humeurs, aversions et outrecuidances… » (TAD X, 16). Or, comment la paix peut-elle régner entre nous si nos esprits sont si vénéneux ? Peu de gens cherchent à donner le bon exemple et encore moins acceptent de souffrir pour le bien, ce qui exige du courage, et un courage de grande durée (cf. Lettre à Mme Bréchard, 22 juillet 1616, EA XVII, p. 258-261).

Suis-je attentive à donner le bon exemple ? Comment puis-je rendre mon zèle apostolique plus authentique ?


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13ème jour - La multiplicité de nos occupations

Demeurez en moi, comme moi en vous.
De même que le sarment ne peut de lui-même porter du fruit…
ainsi vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi.
(Jn 15, 4)


Nous avons tendance à croire que nous pouvons tout faire et nous charger de tout le bien à faire, mais, nous dit saint François de Sales :

Il ne faut pas vouloir suivre plusieurs exercices à la fois et tout à coup ; car souvent l’ennemi tâche de nous faire entreprendre et commencer plusieurs desseins afin que, accablés de trop de besogne, nous n’achevions rien et laissions tout imparfait.  (TAD VIII, 11)

Nous laissons la multitude de nos affaires semer le trouble dans nos vies. C’est pourquoi saint François de Sales, dans une lettre à Madame de la Fléchère datée du 19 mai 1608, recommande avec insistance : « Ne perdez nulle occasion, pour petite qu’elle soit, d’exercer la douceur de cœur envers un chacun. Ne vous confiez pas de pouvoir réussir en vos affaires par votre industrie ; mais seulement par l’assistance de Dieu ; et par conséquence reposez-vous en son soin, croyant qu’il fera ce qui sera le mieux pour vous, pourvu que, de votre côté, vous usiez d’une douce diligence. Je dis douce diligence, parce que les diligences violentes gâtent le cœur et les affaires, et ne sont pas diligences, mais empressements et troubles. »

Il poursuit en faisant remarquer à sa correspondante que, vues de l’éternité, les occupations de ce monde ne sont que peu de choses et même « combien il importait peu qu’elles se fissent ou ne se fissent pas ; maintenant, néanmoins, nous nous empressons comme si c’était des choses grandes ». (Lettre à Madame de la Fléchère, le 19 mai 1608, EA XIV, p. 22)

Inutile donc de nous mettre dans tous nos états pour les affaires de ce monde, puisque ce sont des jeux d’enfant. « Si quelqu’un ruine nos maisonnettes et petits desseins, ne nous en tourmentons pas beaucoup… Soignez fidèlement vos affaires, mais sachez que vous n’avez point de plus dignes affaires que celui1 de votre salut et l’acheminement du salut de votre âme à la vraie dévotion. » (Lettre à Madame de la Fléchère, le 19 mai 1608, EA XIV, p. 22)



Saint François de Sales nous invite à imiter les façons d’agir du chasseur :

L’ardeur du vrai zèle est pareille à celle du chasseur, qui est diligent, soigneux, actif, laborieux et très affectionné au pourchas, mais sans colère, sans ire, sans trouble, car si le travail des chasseurs étaient colère, ireux, chagrin, il ne serait pas si aimé ni affectionné.  (TAD X, 16)

Il ajoute également :

Le vrai zèle a des ardeurs extrêmes, mais constantes, fermes, douces, laborieuses, également amiables et infatigables ; tout au contraire, le faux zèle est turbulent, brouillon, insolent, fier, colère, passager, également impétueux et inconstant.  (TAD X, 16)

Comment est-ce que j’accomplis mes tâches ? Mon zèle est-il authentique, sincère ? Quels moyens concrets est-ce que je prends pour purifier mes excès de zèle dans mes activités ?

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14ème jour - Une détente convenable

Venez vous-mêmes à l’écart, dans un lieu désert, et reposez-vous un peu.
(Mc 6, 31)


Le travail peut devenir une fixation. On imagine que tout dépend de son travail et l’on devient un bourreau de travail. Le repos peut permettre une humanisation de l’homme. Un article très intéressant sur les apports positifs du voyage touristique a été publié dans Paix et Joie N° 9 (juin-juillet 2011) par le Père Jean-Yves Baziou. En effet, le repos libère l’homme des contraintes quotidiennes, pour la rencontre avec autrui, tout en régénérant le corps. La réduction de l’homme à une machine à produire toujours davantage est déshumanisante. Mais il faut aussi éviter de transférer cet esprit d’efficacité à tout prix dans le domaine spirituel par le mépris du corps et de ses besoins au bénéfice d’une œuvre à la gloire de Dieu. Saint François de Sales met en garde Madame Angélique Arnaud :

Manger peu, travailler beaucoup, avoir beaucoup de tracas d'esprit, et refuser le dormir au corps, c'est vouloir tirer beaucoup de service d'un cheval qui est efflanqué, et sans le faire repaître. (Lettre à Madame Angélique Arnauld, le 12 sept 1619, EA XIX, p. 16)

L’homme, dans son être spirituel, a besoin du développement de son cœur et de son intelligence. Dans notre vie, le nécessaire et l’utile doivent laisser une juste place aux relations humaines, où l’amour et la joie ont un rôle important. Mais l’homme a aussi besoin de temps pour réfléchir, pour discuter et dépasser ses préjugés. Le temps de détente lui permettra de s’ouvrir plus largement, de se rendre compte de ses limites et de ses ignorances.

Est-ce que je pense à inclure un peu de détente dans ma vie ? Qu’est-ce que je fais de mes loisirs ?


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15ème jour - Garder un esprit de paix dans nos responsabilités

Nous vous y engageons, frères, reprenez les désordonnés,
encouragez les craintifs, soutenez les faibles,
ayez de la patience envers tous.
(I Th 5, 14)

Pour maintenir la paix quand on commande aux autres, saint François de Sales voulait que l’on respecte, comme Dieu, les libertés. Voici ce qu’en rapporte l’évêque de Belley : “En la galère du saint amour, il n’y a point de forçats, tous les rameurs sont volontaires. Fondé sur ce principe, il ne faisait jamais de commandement que par forme de conseil ou de prière. Ce mot de saint Pierre lui était en singulière vénération : Paissez le troupeau de Dieu, non par contrainte, mais librement et volontairement. Il ne pouvait approuver ces esprits absolus qui veulent être obéis, bon gré, mal gré, et qui exige que tout le monde cède à leur empire. Il voulait qu’en matière de gouvernement spirituel, on se comportât avec les âmes à la façon de Dieu et des anges, par inspirations, insinuations, remontrances, prières, sollicitations, en toute patience et doctrine, qu’on frappât, comme l’époux, à la porte des coeurs, qu’on les pressât doucement d’ouvrir, que s’il le faisaient on y introduisit le salut avec joie, mais que s’il refusaient, on supportât ce refus avec douceur.” (L’amour du prochain selon saint François de Sales, par Dom Van Houtryve, 1944, p. 118).

Il nous faut également veiller à garder une certaine modération dans nos ambitions :

 Marthe représente fort bien l’immodestie de la volonté, car elle s’empresse, elle met tous les serviteurs de la maison en besogne, elle va deça et delà sans s’arrêter, tant elle a d’envie de bien traiter Notre-Seigneur, et lui semble qu’il n’y aura jamais assez de mets bien apprêtés pour lui faire bonne chère. De même, la volonté qui n’est pas retenue par la modestie passe d’un sujet à un autre pour s’émouvoir à aimer Dieu et à désirer plusieurs moyens de le servir ; et cependant il ne faut point tant de choses. Mieux vaut s’attacher à Dieu comme Madeleine, se tenant à ses pieds, lui demandant qu’il nous donne son amour, que de penser comme et par quel moyen nous le pourrons acquérir. (Saint François de Sales, Entretien IX – De la modestie, EA VI, p. 137)

La responsable ne doit pas s’affoler devant les tensions qu’elle perçoit dans son groupe. Si nous constatons sur nous-mêmes combien nous sommes misérables et remplis d’imperfections, n’est-il pas normal de rencontrer la misère et l’imperfection chez les autres et dans l’exercice de nos responsabilités ? Saint François de Sales nous dit que notre premier souci doit être de devenir des images reflétant la sérénité et la beauté du ciel :

Quand notre âme est bien calme, et que les vents des soins superflus et des inégalités et inconstances d’esprit ne la troublent ni inquiètent, elle est fort capable de porter en elle l’image de Notre-Seigneur. Mais quand elle est troublée, inquiétée et agitée des diverses bourrasques que causent les passions, lorsqu’on se laisse gouverner par elles et non par la raison, nous ne sommes nullement capables de représenter la belle et très aimable image de Notre-Seigneur crucifié, ni la diversité de ses excellentes vertus. (ES III – De la fermeté, EA VI, p. 51)

Nous devons vivre dans la réalité humaine avec nos incapacités, nos lassitudes, nos agressivités et nos attitudes dépressives. La simplicité nous y aidera : « Vous savez que Dieu veut en général qu’on le serve, en l’aimant sur tout, et notre prochain comme nous-mêmes (Mt 22, 37) ; en particulier il veut que vous gardiez une Règle : cela suffit, il le faut faire à la bonne foi, sans finesse et subtilité, le tout à la façon de ce monde, où la perfection ne réside pas ; à l’humaine et selon le temps, en attendant un jour de le faire à la divine et angélique et selon l’éternité. L’empressement, l’agitation du dessein n’y sert de rien ; le désir y est bon, mais qu’il soit sans agitation. C’est cet empressement que je vous défends expressément comme la mère imperfection de toutes les imperfections. » (Lettre à la Sœur de Soulfour, 16 janvier 1603, EA XII, p. 167)


Nous avons besoin, dans l’exercice de nos responsabilités, de revenir constamment à l’esprit de Dieu pour pouvoir pratiquer l’écoute, le dialogue, et trouver les solutions divines aux difficultés que la vie communautaire ne manque pas de soulever. Il n’y a pas de solutions toutes faites sans mettre en œuvre beaucoup de patience et aussi des efforts de longue durée. Cependant, nous savons que le chemin, c’est Jésus, doux et humble de cœur. Devant la tentation de la division dans l’action, ne perdons pas de vue la prière de l’union fraternelle.

Comment puis-je être plus douce et paisible dans l’exercice de mes responsabilités?

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16ème jour - S’amender doucement

Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai.
(Mt 11, 28)


Notre conversion est un chemin qu’il faut savoir parcourir avec fidélité, sans s’inquiéter ni s’étonner des manquements que nous commettrons. Dans une lettre du 28 mai 1608, saint François de Sales propose à Madame de la Fléchère un délicieux dialogue entre l’âme et le cœur :

– Pourquoi es-tu si lâche ? [dit l’âme au cœur]
Il [le cœur] répondra : J’ai été surpris je ne sais comment, mais je suis ainsi pesant maintenant.

Hélas ! ma chère Fille, il lui faut pardonner ; ce n’est pas par infidélité qu’il manque, c’est par infirmité. Il le faut donc corriger doucement et tranquillement, et non pas le courroucer et troubler davantage. Or sus, lui devons-nous dire :

Mon cœur, mon ami, au nom de Dieu, prends courage, cheminons, prenons garde à nous, élevons nous à notre secours et à notre Dieu. Hélas ! ma chère Fille, il nous faut être charitables à l’endroit de notre âme…

Dans notre conversion et dans nos activités, soyons les témoins de l’esprit de Notre Seigneur. Il a corrigé saint Jean et saint Jacques « qui voulaient imiter Élie à faire descendre le feu du ciel sur les hommes », car son Esprit à lui et son zèle « était doux, débonnaire et gracieux, qui n’employait l’indignation ou le courroux que très rarement, lorsqu’il n’y avait plus d’espérance de pouvoir profiter autrement » (TAD X, 16). Rappelons-nous que nous sommes des « petits Chrétiens, misérables, imparfaits et chétifs » (TAD X, 16).

Méditons enfin cette parole de saint François de Sales :

Conservez-bien le désir que vous avez d’observer vos Règles, elles sont toutes d’amour ; ressouvenez-vous que vous ne manquerez pas de difficultés, mais ne perdez pas courage, espérez en Dieu et vous jetez entre les bras de sa divine Providence. Il n’y a chemin plus assuré que celui de la souffrance, pourvu qu’on souffre avec amour, douceur et patience. (ES, Questions, Pléiade, p. 1297)


« Il faut coudre notre perfection pièce à pièce parce qu’il ne s’en trouve point de toute faite. » (Lettre à sainte Jeanne de Chantal, EA XXI, lettre MMXCIX, p. 188) Si nous sommes conscientes que la sainteté est une tâche qui durera toute notre vie, nous entreprendrons notre progrès avec patience et paisiblement.


Saint François de Sales dit aux religieuses de la Visitation (ES VII) de se méfier d’une sainteté imaginaire. Acquérir la perfection demande du travail. Des contradictions, et même des tentations, renforcent notre vertu. Les questions suivantes nous aideront à avancer dans l’acquisition de la paix.

- Dans les contrariétés, qu’est-ce qui me fait perdre patience ? Pourquoi ?
- Ai-je un grand courage ? Suis-je persévérante ? Qu’est-ce qui me pousse à la persévérance ?
- Suis-je souvent agitée ? Pourquoi ? “Tu t’agites pour bien des choses” (Lc 10, 41)
- Comment est-ce que je réagis devant ce monde imparfait, des gens imparfaits, une Église imparfaite sur terre ?
- Dans quelle mesure est-ce que j’essaie, avec douceur, de tendre vers un mieux, un plus évangélique ?
- Pourquoi suis-je surmenée ?
- Suis-je une adepte du «  tout ou rien » ? Quelle place est-ce que je laisse au compromis, dans ma vie ?
- Comment est-ce que je réagis face à un progrès, même minime ?
- Quelles résolutions vais-je prendre pour lutter courageusement contre mes négligences ?
- Est-ce que je me mets à l’œuvre tout de suite ?
- Est-ce que je sais prendre une part active à la réalisation du bien commun ?

Les questions posées visent des vertus qui construisent le cœur. Après les avoir méditées sérieusement, j’en parlerai avec ma probatrice ou mon conseiller spirituel.

TROISIÈME PARTIE

VIVRE EN PAIX AVEC LES AUTRES

Saint Jacques nous dit que « la sagesse d’en haut est tout d’abord pure, puis pacifique, indulgente, bien-veillante, pleine de pitié et de bons fruits, sans partialité, sans hypocrisie. Un fruit de justice est semé dans la paix pour ceux qui produisent la paix. » (Jc 3, 17-18) Jésus lui-même déclare à Jérusalem : « Combien de fois j’ai voulu rassembler tes enfants à la manière dont une poule rassemble ses poussins sous ses ailes… et vous n’avez pas voulu ! » (Lc 13, 34)

Si, donc, nous sommes de véritables disciples du Christ, nous devons, dans nos relations avec les autres, vivre selon la sagesse divine qui nous commande d’aimer les autres comme nos frères. En effet, le dessein de Dieu n’est-il pas de rassembler tous ses enfants dispersés ?

Mais quels sont ces obstacles que nous plaçons entre nous et qui empêchent Dieu de réaliser la paix qu’il veut entre les hommes, dans et par l’Église ? Sans doute n’est-il pas possible de passer tous les obstacles en revue, mais nous pouvons en citer quelques-uns parmi les plus criants.

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17ème jour - Le manque de mesure

Écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur
et tu aimeras le Seigneur ton Dieu
de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force.
Voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
(Mc 12, 30-31)


Si nous regardons la famille de Dieu que constituaient Jésus et ses disciples, l’Église naissante, il y avait un disciple qui ruinait l’esprit de famille. Judas ne pensait qu’à l’argent. Son amour pour l’argent étouffait son amour pour Jésus. Il le trahit, par manque de confiance en lui et pour l’amour de l’argent, par un baiser. Combien de familles se brouillent à cause d’un héritage ! Combien de couples se défont suite à des addictions (TV, jeux, Internet, etc.) ! On ne met plus l’amour en premier et on se déchire pour des vanités.

Quelle est l’origine de ce déséquilibre en nous ? Saint François de Sales la place dans les affections ou attachements de notre cœur. Or, nous nous attachons à beaucoup de choses ; outre nos biens, il y a la place que nous occupons, l’autorité que nous exerçons, le succès de nos entreprises, la bonne opinion que l’on a de nous, etc. On remarquera, dans ce qui précède, que tout se ramène au moi. Notre égoïsme est évident. Pourtant, la seule chose nécessaire est le bon plaisir de Dieu. Il nous faut apprendre à pratiquer le dépouillement. Mais « ce n’est pas assez de se dépouiller devant Dieu, d’autant que cela se faisant seulement avec l’imagination, il n’y a pas grand affaire ». (cf. ES II p. 1017) Acquérir la souplesse à suivre la volonté d’autrui nous donne l’occasion de mettre en pratique notre volonté de nous donner entièrement au Dieu de la paix. Et surtout, il ne faut se donner aucune excuse pour manquer à la douceur envers le prochain : façonnez « tant que vous pourrez votre cœur à la sainte douceur et tranquillité : à la douceur envers le prochain, quoique fâcheux et ennuyeux ; à la tranquillité envers vous-mêmes quoique tentée ou affligée, quoique misérable ». (Lettre à Madame de la Fléchère, le 20 août 1609, EA XIV, p. 194)

Ne vous disputez pas pour des choses d’ici-bas ! C’est ainsi que saint François de Sales nous conseille de nous incliner devant les autres : « Oh ! que la paix est une sainte marchandise, et qui mérite d’être achetée chèrement. » (Lettre à la Mère de Chantal, le 28 juillet 1621, EA XX, p. 115) Il me demande de me rappeler que, si je supporte en ce moment l’imperfection de l’autre, « tantôt elle me supportera ». (ES II, Pléiade p. 1017) Il a souvent donné l’exemple de sa recherche de la paix en renonçant à des héritages et en évitant des procès.

Le 1er janvier 2005, le bienheureux Jean-Paul II nous disait : « La paix est un bien à promouvoir par le bien. » « Ne rendez à personne le mal pour le mal. » (Rm 12, 17) Écoutons encore le Père Chaumont nous dire : « Vous êtes Filles de l’Esprit de Jésus ; à ce titre, tout dans votre vie doit porter la caractéristique de l’amour. » (Conférence du Père Chaumont 1889) Or, l’amour, nous le savons, n’est pas une question de sentiments, mais de vouloir le bien de l’autre. Par nos petits actes de bien à l’égard des autres, nous construisons donc la paix et la concorde.

Est-ce que je sais percevoir les occasions de me tenir, pauvre et humble, devant le Père ? Je n’ai pas pris un chemin de grandeurs ni de prodiges qui me dépassent. Non, je tiens mon âme en paix et silence.  (Ps 131)


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18ème jour - La jalousie

Puisque l’Esprit est notre vie, que l’Esprit nous fasse aussi agir.
Ne cherchons pas la vaine gloire, en nous provoquant les uns les autres,
en nous enviant mutuellement. (Ga 5, 25-26)


La jalousie est un amour affectif et égoïste très répandu. On peut la ressentir très tôt dans la vie, puisqu’il arrive qu’un bébé se sente jaloux et négligé quand sa mère est occupée ailleurs. La jalousie ne devient péché que si elle est entretenue et nous entraîne vers une inquiétude soupçonneuse ou un dépit provoqué par la constatation des avantages ou des succès d’autrui.

Les disciples de Jean le Baptiste viennent lui dire : « Rabbi, celui qui était avec toi de l’autre côté du Jourdain, (…) le voilà qui baptise et tous viennent à lui ! » (Jn 3, 26) Ils sont jaloux parce que leur maître à eux est en perte de vitesse. Ce qui a de la valeur pour eux, c’est leur succès personnel, leur avantage, leur popularité. Ils n’ont ni l’humilité, ni la magnanimité de leur maître. De même, les pharisiens qui ont une haute opinion de leur propre tradition, n’acceptent pas que le peuple courre après Jésus et ses miracles. Et, pour obéir à leur égoïsme, ils s’entêteront au point de perdre leur nation et faire crucifier leur Dieu. La jalousie divise et sème la discorde.

Pour éviter de créer de la jalousie, nous devons prendre soin de pratiquer l’impartialité. Avoir des préférés cause des difficultés. Ce n’est pas parce que certains enfants sont plus faciles que d’autres que nous pouvons nous permettre de leur accorder un traitement de faveur tout en négligeant les enfants plus difficiles. La même chose est vraie en ce qui concerne toutes les personnes qui exercent l’autorité. L’esprit de discorde s’installe vite si l’on néglige la justice. Évitons aussi de comparer notre situation avec celle des autres. Cela peut nous entraîner à agir comme le fils aîné de la parabole : « À moi, tu n’as jamais donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais quand ton fils que voici est arrivé, lui qui a mangé ton avoir avec des filles, tu as tué le veau gras pour lui ! » (Lc 15, 28-32)

En outre, s’il s’agit d’un désaccord grave, essayons de réagir le plus calmement possible. Si, à l’intérieur, nous bouillons de colère, nous ne pouvons pas hypocritement essayer de cacher nos vrais sentiments. Mieux vaut faire face au problème et en discuter calmement plutôt que de le laisser prendre de l’ampleur pour exploser un jour.

Regardons un foyer humain qui cherche à réaliser une vraie vie familiale, un foyer où parents et enfants sont dignes de leur nom. C’est une communauté réelle et solide, communauté d’affection, de sentiments, de désirs, d’intérêts et d’efforts : « Si l’un des membres souffre, tout le corps en pâtit. » (1 Co 12, 26) On est très uni. La paix y règne.

Au cœur de ma famille/ma communauté/mon lieu de travail, avec le secours de l’Esprit, comment m’efforcer d’être un élément de paix ? Ai-je appris la prière de l’union fraternelle ?


19ème jour - Le mécontentement et les attitudes négatives

Ainsi tout arbre bon produit de bons fruits,
tandis que l’arbre gâté produit de mauvais fruits.
(Mt 7, 17)


« Il y a des cœurs aigres, amers et âpres de leur nature, qui rendent pareillement aigre et amer tout ce qu’ils reçoivent et convertissent, comme dit le Prophète, le jugement en absinthe, ne jugeant jamais du prochain qu’avec toute rigueur et âpreté : ceux-ci ont grandement besoin de tomber entre les mains d’un bon médecin spirituel. » (IVD III, 28)
Les fruits bons et mauvais sortent de nos cœurs et passent par nos langues. Saint François de Sales souhaite vivement fermer nos lèvres par lesquelles le mécontentement se déverse : « Oh ! que n’ai-je un des charbons du saint autel pour toucher les lèvres des hommes, afin que leur iniquité fût ôtée et leur péché nettoyé, à l’imitation du Séraphin qui purifia la bouche d’Isaïe ! Qui ôterait la médisance du monde, en ôterait une grande partie des péchés et de l’iniquité. » (IVD III, 29)
Quand nous sommes mécontents, nos langues deviennent méchantes et, par de menus propos, nous faisons jaillir la méfiance, nous faisons preuve de mauvais esprit, nous censurons, murmurons, exagérons, calomnions. Il faut beaucoup prier avant de croire le mal qu’on nous dit de quelqu’un. Les mécontents ne sont-ils pas des démolisseurs de la concorde ? Examinons d’abord l’esprit de celui qui nous parle. Est-ce un esprit de bâtisseur ou de démolisseur ? C’est si facile de rendre méfiant ! La vipère n’a pas besoin d’une grosse quantité de poison pour faire du mal. On s’habituera à remarquer surtout les torts des hommes et on ne verra plus leur bon côté. Discréditer, proférer des réticences, insinuer des jugements téméraires ou hâtifs font qu’il est facile de tuer la confiance ou l’estime. À cause d’un bon nombre de paroles, nous nous regardons mutuellement sans nous admirer ; nous nous jugeons sans nous aimer ; nous nous suspectons sans raison… Que de souffrances proviennent de ces riens que nos paroles disent ! Il nous faut conquérir l’art de dire le bien. L’enseignement de saint Marcellin Champagnat (cf. Sur les pas de Marcellin Champagnat, par Frère Henri-Noé, p. 176-184) à ses frères maristes commente de près l’enseignement de saint François de Sales.
Quel remède appliquer à nos tendances négatives ? « Buvez le plus que vous pourrez le vin sacré de la charité, elle vous affranchira de ces mauvaises humeurs qui vous font faire ces jugements tordus… La charité est le grand remède à tous maux… Si vos affections sont douces, votre jugement sera doux ; si elles sont charitables, votre jugement le sera de même. » (IVD III, 28)


Défions-nous de nous-mêmes et de nos propres jugements, surtout s’ils sont négatifs. Revêtons « l’autre », comme Dieu le fait, de la confiance sur-naturelle. Corrigeons-nous de nos regards sans amour et sans bonté. Que saint François de Sales soit notre modèle !

Si nous avons une tendance au mécontentement et à la négativité, recourons souvent à un bon conseiller spirituel.

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20ème jour - Cheminons en paix ensemble

En toute humilité, douceur et patience, supportez-vous les uns les autres avec charité ;
appliquez-vous à conserver l’unité de l’Esprit par ce lien qu’est la paix.
(Ep 4, 2)


Au contraire de ceux qui veulent imposer leurs vues et leurs volontés, saint François de Sales propose à notre admiration la délicatesse du patriarche Jacob qui sortait de la maison de son beau-père Laban avec toutes ses femmes, ses enfants, ses serviteurs et son troupeau pour retourner chez lui. Jacob refusa la compagnie d’Esaü, son frère, en disant : « Il n’en sera pas ainsi, s’il vous plaît, d’autant que je mène mes enfants, et leurs petits pas exerceraient ou abuseraient de votre patience ; mais moi qui y suis obligé, mesure volontiers mes pas aux leurs, auxquels aussi j’assujettis ceux de mes serviteurs. (…) Remarquez, je vous prie, la débonnaireté de ce saint Patriarche ; je l’aimais déjà bien, mais je le veux encore plus aimer désormais, à cause de cet acte de débonnaireté. Il s’accommode volontiers aux pas, non seulement de ses petits enfants, mais aussi de ses petits agnelets. » (ES IX, Sur les Règles, Pléiade, p. 1096). Il faut donc savoir accepter de ralentir pour marcher en paix avec les autres car, à les bousculer, nous créerons du mauvais esprit et de la discorde qui détruisent la paix.

Saint François de Sales attire l’attention sur ce qu’il appelle « nos petites volontés » ou notre amour-propre et « ses petites inventions », qui nous mettent à côté de la voie commune. « Notre amour-propre, qui recherche toujours sa satisfaction, demeurerait grandement content de tout cela, et principalement de ses petites inventions, et ne cesserait de nous en fournir toujours de nouvelles. » (Ibid, p. 1098). Il parle aux religieuses, mais cela s’applique aussi à nous. Marcher selon la règle commune et ne pas prétendre à un traitement d’exception préserve la paix en nous et entre nous.

Suis-je toujours pressé(e) d’accomplir les choses ?
Suis-je délicat(e) avec les âmes ? Il ne faut pas briser le vase sous prétexte d’ôter la rouille.
Suis-je capable de renoncer à une de mes « petites volontés » pour garder la paix avec les autres ?

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21ème jour - Évitons les conversations sans charité

« Esprit Saint, Esprit de Vérité, fais-moi comprendre la grandeur et les devoirs de ma vocation,
afin que le rayonnement de ta grâce attire d’autres âmes à ton amour. »
Acte de consécration


Je dois prendre conscience qu’à tout moment, je peux rayonner la paix ou la détruire, notamment dans mes conversations. « Les conversations (…) doivent être comme essaims d’abeilles, assemblées pour faire le miel de quelque doux et vertueux entretien, et non pas comme un tas de guêpes, qui se joignent pour sucer quelque pourriture. » (IVD III, 27)

Saint François de Sales me recommande d’être prudente dans mes propos : « Quelles brides ne faut-il pas mettre à la langue pour l’empêcher de courir par les rues, comme un cheval échappé, et d’entrer en la maison du prochain, voire même dans sa vie ! » (Sermon pour la fête de l’Assomption, EA IX, p. 189)

Il faut que nous sachions qu’il y a un parler qui se fait sans dire mot ; c’est le bon exemple… Le bon exemple est une prédication muette. (Sermon pour la Pentecôte, EA IX, p. 322-3)

L’abbé Peman, un des Pères du désert, conseillait : « Ne méprisez, ni ne condamnez personne ; dans vos discours, ne blessez jamais la charité ; alors Dieu vous établira dans la paix et dans un repos exempt de trouble. »
Le bon moine avait certainement raison. En règle générale, une âme de paix est une âme qui ne se mêle pas d’histoires, qui ne fait pas d’histoires, qui n’écoute pas les histoires.

Est-ce que je réserve un moment chaque jour pour examiner mes conversations et l’exemple de vie que j’ai laissé aux autres ? (cf. Règle de vie, Ière partie, art. 4)

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22ème jour - Le refus du pardon

Supportez-vous les uns les autres et pardonnez-vous mutuellement,
si l’un a contre l’autre quelque sujet de plainte.
(Col 3, 13)


Saint François de Sales ne souhaite pas voir ses philothées devenir des contre-témoins, des « fantômes de dévotion » trompeurs dont il fait une description destinée à nous en dégoûter. « Un autre s’estimera dévot parce qu’il dit une grande multitude d’oraisons tous les jours, quoiqu’après cela sa langue se fonde toute en paroles fâcheuses, arrogantes et injurieuses parmi ses domestiques et voisins. L’autre tire fort volontiers l’aumône de sa bourse pour la donner aux pauvres, mais il ne peut tirer la douceur de son cœur pour pardonner à ses ennemis. » (IVD I, 1)

Nous venons de voir que la langue sème la division très facilement et qu’il faut la corriger très sérieusement. Mais Jésus demande bien plus à ses disciples : il veut que l’on pratique le pardon non seulement vis-à-vis de nos amis, mais aussi vis-à-vis de nos ennemis. Saint François de Sales n’a pas seulement parlé du pardon, il entendait le pratiquer et en donner ainsi un exemple. Dans un livre intitulé L’amour du prochain selon saint François de Sales, Dom Idesbald Van Houtryve, O.S.B, rapporte plusieurs témoignages de la manière dont notre saint pratiquait le pardon. Aux critiques méprisantes d’un prédicateur, il opposait la douceur. « Il disait qu’il ne trouvait point de meilleur remède parmi les contradictions que de ne point parler et n’en faire aucun semblant, mais demeurer avec grande douceur à l’endroit de celui qui la cause.  » (p. 129) « Je sais encore qu’il était censuré de la trop grande bonté de laquelle il usait à l’endroit des plus délinquants, mais il répondait à ceux qui lui faisaient ce reproche qu’il valait mieux les convertir à la pénitence par douceur que les punir avec rigueur puisque leur offense ne méritait ni la galère ni la mort. » (Ibid) Citons encore un témoignage (p. 113) : « Un vénérable ecclésiastique lui vint une fois représenter qu’il devrait se ressentir de telles et telles détractions, fermer la bouche au détracteur, le faire châtier et qu’il s’étonnait comme il pouvait souffrir cela ; et moi aussi, répartit-il, je m’en étonne et ne sais comme je le puis supporter ; toutefois, je vous dirai que j’ai remarqué que mes ennemis ne passent guère la quinzaine sans devenir mes amis. »

Il est clair, donc, que vivre en paix avec notre prochain et, pour cela, opposer la douceur à la violence, ne sera pas facile. Et pourtant, saint François de Sales nous dit : « Rien ne mâte tant l’éléphant courroucé que la vue d’un agnelet et rien ne rompt si aisément la force des canonnades que la laine. » (IVD III, 8) La laine du pardon désarmera les canonnades de nos ennemis.

A quoi sert-il de revêtir mon habit de salésienne, si tout en moi n’est pas revêtu d’aménité ?
Est-ce que je sais pratiquer le pardon des offenses ?


QUATRIÈME PARTIE

LA PAIX, RÉPANDUE PAR L’ESPRIT SAINT, EST LE FRUIT DE LA CROIX

Vous vous êtes dépouillés du vieil homme avec ses agissements, et vous avez revêtu le nouveau, celui qui s’achemine vers la vraie connaissance en se renouvelant à l’image de son Créateur. Là, il n’est plus question de Grec ou de Juif, de circoncision ou d’incirconcision, de Barbare, de Scythe, d’esclave, d’homme libre ; il n’y a que le Christ, qui est tout et en tout.
(Col 3, 9-11)

Saint François de Sales nous rappelle que la paix n’est pas le fruit de nos efforts humains, mais qu’elle nous fut acquise par Jésus sur la croix. Il dit, dans son Sermon pour le mardi de Pâques, le 21 avril 1620 : « Il n’y a point de doute, mes chères âmes, que la Croix ne représente merveilleusement bien cet autel sur lequel fut offert le sacrifice de la paix, et lequel fut nommé ensuite la paix du Seigneur ; ou que plutôt le sacrifice de Gédéon (cf. Jg 6, 19-24) et son autel ne fût la figure de celui que notre Seigneur et Maître accomplit sur la croix (…) ; car les hommes ayant été pacifiés avec Dieu (Rm 5, 1 ; Ep 2, 14 ; Col 1, 20) reçurent la paix en eux-mêmes au moyen de la grâce que le Sauveur leur acquit par sa Mort et Passion. »
Nous avons sans doute trop tendance à ne retenir de la croix que l’aspect douloureux et perdons quelquefois de vue que le fruit de la croix est l’acquisition de la grâce. Par la grâce du Baptême, nous sommes appelés à partager la vie de la Bienheureuse Trinité. Par notre coopération avec la grâce et par l’action du Saint-Esprit, source première de la grâce en nous, nous sommes petit à petit conformés au Christ. Comme le rappelle le CEC, « celui qui suit le Christ, le fait parce que le Père l’attire et que l’Esprit le meut » (CEC 259). Saint François de Sales explique aux Visitandines que « les sacrements sont des canaux par lesquels, par manière de dire, Dieu descend en nous » (ES XVIII, Des Sacrements, Pléiade, p. 1262). Il nous rappelle que, si les effets des sacrements sont divers, « tous demandent l’union de notre âme avec son Dieu ».

Ainsi notre Règle de Vie (art. 6) nous dit : Nous aurons à cœur de nous unir au Christ présent dans le Saint-Sacrement, à sa prière d’adoration, de louange, d’intercession et d’offrande au Père.
Que l’Esprit Saint fasse de nous une éternelle offrande à sa gloire.

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23ème jour - L’eucharistie, prière pour la paix

Mais ils le pressèrent en disant : “Reste avec nous,
car le soir tombe et le jour déjà touche à son terme.”
Il entra donc pour rester avec eux.
(Lc 24, 29)



Saint François de Sales fait parler le Christ lui-même sur la façon dont il nous a procuré la paix : « Vous avez donc su que j’ai été battu, couronné d’épines, navré dès la tête jusqu’aux pieds (cf. Is 1, 6 ; 53, 5) et attaché à la croix, que j’ai souffert toutes sortes d’opprobres, de dérélictions et ignominies, et qu’en somme mes ennemis bandés contre moi m’ont fait endurer mille tourments. Mais à cette heure ne craignez plus, la paix soit en vos cœurs ; car je suis demeuré victorieux et ai terrassé tous mes adversaires : j’ai vaincu le diable, le monde et la chair. N’ayez point peur, car j’ai fait la paix entre mon Père céleste et les hommes, et c’est en ce sacrifice que j’ai offert à la divine Bonté sur la croix que s’est accomplie cette sainte réconciliation. Jusques à cette heure je vous ai donné diverses fois ma paix, mais maintenant je vous montre comment je vous l’ai acquise. » (Sermon pour le mardi de Pâques, 21 avril 1620)

L’eucharistie est le rassemblement, par le Christ, des baptisés pour participer dès ici-bas au festin de ses noces avec l’humanité. L’Esprit Saint rend présent aux hommes « le mystère du Christ, éminemment dans l’Eucharistie, afin de les réconcilier, de les mettre en communion avec Dieu, afin de leur faire porter " beaucoup de fruit " » [cf. Jn 15, 5.8.16] (CEC 737). Nous pouvons remarquer combien de fois la liturgie de la messe dirige notre prière vers la paix :
Voici l’offrande que nous présentons devant toi, nous, tes serviteurs, et ta famille entière : dans ta bienveillance, accepte-la. Assure toi-même la paix de notre vie, arrache-nous à la damnation et reçois-nous parmi tes élus.

La prière pour les défunts : Souviens-toi de tes serviteurs… qui nous ont précédés, marqués du signe de la foi, et qui dorment dans la paix… Pour eux et pour tous ceux qui reposent dans le Christ, nous implorons ta bonté : qu’ils entrent dans la joie, la paix et la lumière.

Après le Notre Père : Délivre-nous de tout mal, Seigneur, et donne la paix à notre temps.

Jésus est parti au ciel en bénissant ses disciples (Lc 24, 51) et en leur laissant sa paix :
Seigneur Jésus Christ, tu as dit à tes Apôtres : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix » ; ne regarde pas nos péchés, mais la foi de ton Église ; pour que ta volonté s’accomplisse, donne-lui toujours cette paix, conduis-la vers l’unité parfaite, toi qui règnes pour les siècles des siècles.

Et enfin, l’invitation à donner le baiser de paix : Frères, dans la charité du Christ, donnez-vous la paix.

Et encore juste avant de nous renvoyer à notre vie quotidienne : Allez dans la paix du Christ.

Le bien de la paix que nous devons recevoir de la communion avec le Christ et nos frères, et emporter pour la répandre dans le monde, suppose que notre cœur soit pleinement ouvert à l’action de la grâce « puisque une seule Communion bien faite est capable et suffisante pour nous rendre saints et parfaits » (ES XVIII, Pléiade p. 1265). Nous devons faire le ménage de nos cœurs : « hélas, tous les coins et recoins de nos cœurs sont pleins de mille choses indignes de paraître en présence de ce Roi souverain, qui ce semble, lui lient les mains afin de l’empêcher de nous départir les biens et les grâces que sa Bonté avait désiré de nous faire s’il nous eût trouvés préparés. » (ES XVIII, Pléiade p. 1265)

La préparation de nos cœurs à recevoir le Christ et, avec lui, sa paix, comprend : « la pureté de l’intention, l’attention et l’humilité » (ES XVIII, Pléiade p. 1263) que saint François de Sales traite plus en détail. C’est pourquoi nous vous invitons à lire ce XVIIIe Entretien Spirituel.

« En recevant le Pain de Vie, les disciples du Christ se disposent à aborder, avec la force du Ressuscité et de son Esprit, les tâches qui les attendent dans leur vie ordinaire. » (Bx Jean-Paul II, Dies Domini 1998)
Comme l’Eglise m’y invite, est-ce que je pense à demander vraiment la paix quand je communie ?

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24ème jour - Jésus dit à la femme : « Tes péchés ont été pardonnés (…) Ta foi t’a sauvée. Va en paix. » (Lc 7, 48-50)

Oui, si vous remettez aux hommes leurs manquements,
votre Père céleste vous remettra aussi.
(Mt 6, 14)


En Jésus, nous recevons la grâce et la paix, la paix par la grâce. Dans sa vie, Jésus a fréquenté les pécheurs pour les délivrer de leur péché. Maintenant, le Christ nous touche de sa grâce par les sacrements. Notre Règle de vie (art. 8) nous incite à recevoir régulièrement le sacrement de Pénitence. En effet, dit le CEC : « Il n’est pas facile pour l’homme blessé par le péché de garder l’équilibre moral. Le don du salut par le Christ nous accorde la grâce nécessaire pour persévérer dans la recherche des vertus. Chacun doit toujours demander cette grâce de lumière et de force, recourir aux sacrements, coopérer avec le Saint-Esprit, suivre ses appels à aimer le bien et à se garder du mal. » (CEC 1811)

Le CEC précise les effets spirituels du sacrement de pénitence (1496) qui sont non seulement la réconciliation avec Dieu et le recouvrement de sa grâce, mais aussi la paix et la sérénité de conscience, et la consolation spirituelle. Écoutons saint François de Sales nous parler de la paix, de l’allégresse rendue à l’âme du pécheur : « Si le péché abonde en malice pour ruiner, la grâce surabonde pour réparer. » Le sacré pénitent « prétend qu’on lui rende l’allégresse que le péché lui avait ravie : or cette allégresse n’est autre chose que le vin du céleste amour, qui réjouit le cœur de l’homme » (TAD XI, 12). Saint François de Sales dit que nos œuvres mauvaises, comme des guêpes, taons ou mouchons, sont noyées et abolies par la pénitence, mais « que les œuvres saintes, qui comme douces abeilles font le miel du mérite » sont remises au soleil de la grâce et de la charité pour devenir utiles et fructueuses. Si nous nous laissons toucher par « des rayons de la miséricorde céleste », nos bonnes œuvres « revivent et se convertissent en flammes aussi claires que jamais elles furent, pour être remises sur l’autel sacré de la divine approbation, et avoir leur première dignité, leur premier prix et leur première valeur » (TAD XI, 12).

Aimons fréquenter le sacrement de réconciliation, parce qu’il met tout chrétien dans la lumière.

Le sacrement de Réconciliation se prépare jour après jour par l’examen de conscience. L’Esprit Saint nous aide à discerner nos fautes et nous donne le désir de nous laisser convertir.

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25ème jour - La paix, fruit de l’humilité

Lorsque tu es invité, va te mettre à la dernière place.
(Lc 14, 10)


Parcourons ensemble les cinq degrés de l’humilité que distingue saint François de Sales, humilité nécessaire pour acquérir en nous la paix :

1er degré : Reconnaître sa misère humblement
« Le premier degré de l’humilité c’est la connaissance de soi-même, c’est-à-dire lorsque, par le témoignage de notre propre conscience et par la lumière que Dieu répand dans notre esprit, nous connaissons que nous ne sommes rien que pauvreté, que misère et abjection. Cette humilité ici, si elle ne passe pas plus avant, elle n’est pas grande chose, et en effet elle est fort commune; car il se trouve peu de personnes qui vivent avec tant d’aveuglement qu’ils ne connaissent assez clairement leur vileté, pour peu de considération qu’ils fassent; mais néanmoins, si bien ils sont contraints de se voir pour ce qu’ils sont, ils seraient extrêmement marris si quelque autre les tenait pour tels. C’est pourquoi il ne faut pas s’arrêter là, mais passer au second degré, qui est la reconnaissance; car il y a différence entre connaître une chose et la reconnaître. » (ES VIII, Pléiade p. 1087)

2ème degré : Éviter la fausse humilité
« La reconnaissance donc, c’est de dire et publier, quand il en est besoin, ce que nous connaissons de nous; mais cela s’entend de le dire avec un vrai sentiment de notre néant, car il s’en trouve une infinité qui ne font autre chose que s’humilier en paroles. Parlez à une femme la plus vaine du monde, à un courtisan de même humeur, dites-leur : Mon Dieu, que vous êtes parfait, que vous avez de mérites! je ne vois rien qui approche de votre perfection. — O Jésus, vous répondront-ils, excusez-moi, je ne vaux rien et ne suis que la misère même et imperfection; mais cependant ils sont extrêmement aises de s’entendre louer, et encore plus si vous le croyez comme vous le dites. Voilà donc comme ces termes d’humilité ne sont que sur le bout des lèvres et ne partent nullement de l’intime du cœur ; car si vous les preniez au mot sur leurs fausses humiliations, ils s’en offenseraient et voudraient que tout sur-le-champ on leur fît réparation d’honneur. Or, de tels humbles Dieu nous en défende » (ES VIII, Pléiade p. 1087).

3ème degré : Accepter la correction d’autrui

« Le troisième degré est d’avouer et confesser notre vileté et abjection quand les autres la découvrent : car souventes fois nous disons bien nous-mêmes que nous sommes pervers et misérables, mais nous ne voudrions pas qu’un autre nous devançât en cette déclaration ; et si on le fait, non seulement nous n’y prenons pas plaisir, mais de plus nous nous en piquons, ce qui est une vraie marque que notre humilité n’est pas parfaite ni de la plus délicate. Il faut donc avouer franchement et dire : Vous avez raison, vous me connaissez extrêmement bien. Et ce degré ici est déjà fort bon » (ES VIII, Pléiade p. 1088).

4ème degré : Se réjouir d’être remis à sa place.

« Le quatrième c’est d’aimer le mépris et se réjouir quand on nous déprime et avilit; car, quelle apparence de tromper l’esprit d’autrui ? il n’est pas raisonnable. Puisque nous avouons que nous ne sommes rien, il faut être bien aises que l’on le croie, que l’on le dise et que l’on nous traite comme vils et misérables » (ES VIII, Pléiade p. 1088).

5ème degré : Désirer la dernière place avec Jésus.

« Le cinquième, qui est le dernier et le plus parfait de tous les degrés d’humilité, c’est non seulement d’aimer le mépris, mais de le désirer, de le rechercher et s’y complaire pour l’amour de Dieu: et ceux qui parviennent ici sont bien heureux, mais le nombre en est fort petit. Notre-Seigneur le veuille accroître de vingt-cinq ou trente filles qui lui soient dédiées en cette petite Congrégation. Ainsi soit-il. » (ES VIII, Pléiade p. 1088)

Dans quelle intention servons-nous les autres ?
Reconnaissons-nous nos fautes et nos limites ? Voyons-nous les qualités des autres ?
Savons-nous nous contenter du peu que nous avons ? Essayons-nous de le sanctifier ?

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26ème jour - La paix, fruit de l’obéissance

Nous savons que Dieu n’écoute pas les pécheurs,
mais si quelqu’un est religieux et fait sa volonté,
celui-là il l’écoute.
(Jn 9, 31)


« Mais, me direz-vous, qu’est-ce qui m’arrivera de pratiquer si exactement cette obéissance amoureuse, avec ses trois conditions,

qui sont de faire l’obéissance comme un aveugle, sans regarder à la personne qui commande, ni à la fin et au motif que l’on a de commander, pourvu que celui qui le fait en ait le pouvoir : ni moins s’enquérir trop des moyens qu’il faut tenir pour faire ce qui est commandé, mais se mettre en besogne, muni de la confiance que Dieu, qui nous a fait ou fait faire le commandement, nous donnera bien le pouvoir de l’accomplir.
Puis, obéir promptement, qui est la seconde condition;
et enfin, obéir persévéramment,
« non pour un temps, mais pour tout le temps de notre vie. Qu’est-ce qui adviendra à celui-ci qui sera si heureux que de faire comme je viens de dire? Il jouira de la paix et tranquillité continuelle de l’âme, parce qu’il n’aura à rendre aucun compte de ses actions, puisqu’elles ont été toutes faites par obéissance, tant des Règles comme des Supérieurs. Car, pour dire un mot des Règles, le vrai obéissant les aime, les honore et les estime uniquement, comme le vrai chemin par lequel il doit s’acheminer à l’union de son esprit avec Dieu; et partant, il ne se retire jamais de cette voie ni de l’obéissance, tant des choses qui sont dites par forme de direction ou de conseil, comme de celles qui sont commandées. Le vrai obéissant rendra compte de quelques pensées, mais d’actions faites par obéissance, jamais. Il vivra doucement et paisiblement, comme un enfant qui est entre les bras de sa chère mère, lequel ne se met point en souci de ce qui lui pourra survenir; que la mère le porte sur le bras gauche ou sur le droit, il ne s’en soucie pas. De même le vrai obéissant, qu’on lui commande ceci ou cela, il ne s’en met point en peine; pourvu qu’on lui commande et qu’il soit toujours entre les bras de l’obéissance, je veux dire en l’exercice de l’obéissance, il est content.

« Et à ces obéissants, je leur puis bien assurer, de la part de Dieu, le Paradis tant pour la vie éternelle comme aussi durant le cours de leur vie mortelle »  (ES XII, Pléiade p. 1157).
Saint François de Sales fait de l’obéissance amoureuse la distinction entre les chrétiens et les autres : « Parmi les vrais enfants du Sauveur chacun quittera sa volonté et n’y aura plus que volonté maîtresse, régente et universelle qui animera, gouvernera et dressera toutes les âmes, tous les cœurs et toutes les volontés ; et le nom d’honneur des Chrétiens ne sera autre chose sinon : la volonté de Dieu en eux. » (TAD VIII, 7, Pléiade p. 730)

Règle de Vie  (art. 26) : L’obéissance salésienne étant une obéissance librement consentie par amour, nous soumettrons notre volonté propre à la Volonté de Dieu et à son bon plaisir. Nous serons attentifs à les reconnaître à travers les événements de notre vie et à travers toute autorité légitime.

Efforçons-nous d’accueillir ce que le présent nous apporte de la part de Dieu.

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27ème jour - La paix dépasse nos sentiments

Dieu est plus grand que notre cœur et il connaît tout.
(1 Jn 3, 20)


Saint François de Sales, qui veut libérer notre cœur de son amour-propre, et nous détourner de la recherche de nos aises et de nos satisfactions, nous incite à nous tourner vers les biens éternels, comme il l’écrit à Madame de Veyssilieu en 1621 :

« Il ne faudrait pas vous avoir au milieu de mon cœur, ma très chère Fille, pour ne pas avoir avec vous part à vos afflictions (…). Mais, ma très chère Fille, il me semble que vous êtes un peu plus susceptible des consolations que cette chère sœur ; c'est pourquoi je vous dis que nous avons tort si nous regardons nos parents, nos amis, nos satisfactions et contentements comme choses sur lesquelles nous puissions établir nos cœurs. Sommes-nous, je vous prie, en ce monde qu'avec les conditions des autres hommes et de la perpétuelle inconstance dans laquelle il est établi ? Il faut s'arrêter là, ma très chère Fille, et reposer nos attentes en la sainte éternité à laquelle nous aspirons. O paix du cœur humain ! on ne te trouve qu'en la gloire et en la Croix de Jésus Christ. » (Lettre à Madame de Veyssilieu, 13 décembre 1621)

De même, il cherche à aider Madame d’Escrilles à maintenir la paix de Dieu en son cœur :

« Au reste, demeurez en cette paix et tranquillité que Notre Seigneur vous a donnée. La paix de Dieu, dit saint Paul (Ph 4, 7) qui surpasse tout sentiment, conserve votre cœur et votre esprit en Jésus Christ Notre Seigneur. Ne voyez vous pas, ma chère Fille, qu’il dit que la paix de Dieu surpasse tout sentiment? C'est pour vous apprendre que vous ne devez nullement vous troubler de n'avoir point d'autre sentiment que celui de la paix de Dieu. Or, la paix de Dieu, c'est la paix qui provient des résolutions que nous avons prises pour Dieu et par les moyens que Dieu nous ordonne. Marchez fermement en ce chemin auquel la providence de Dieu vous a mise, sans regarder ni à droite ni à gauche : c'est le chemin de la perfection pour vous. Cette satisfaction d'esprit, quoi que sans goût, vaut mieux que mille consolations savoureuses.
Que si Dieu voulait que vous eussiez un peu de difficulté au démêlement de vos affaires, il faudrait recevoir cela de sa main, laquelle vous ayant saisie, ne vous abandonnera point qu'elle ne vous ait réduite au point de votre perfection. Vous verrez bien, ma très chère Fille, que la providence de Dieu fera par tout faire place à votre intention, puisqu'elle est toute conforme à la sienne ; il faut seulement avoir un courage un peu vigoureux et résolu » (Lettre à Madame d’Escrilles, 13 octobre 1612, EA XV, 278).

Seigneur, fais que je connaisse ta paix qui surpasse tout !

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28ème jour - Jésus nous aide à traverser sans crainte les crises
Ne cherchez pas avec inquiétude comment vous défendre ou que dire,
car le Saint Esprit vous enseignera à cette heure même ce qu’il faut dire.
(Lc 12, 11-12)


La vie ici-bas est toujours traversée par des crises : problèmes d’enfants, problèmes de santé, crises intérieures, crises financières, défections dans l’Église, crises internationales etc. Jésus a anticipé la crise que ses disciples allaient traverser à le voir mourir crucifié, et ceci de plusieurs manières. D’abord, il leur a parlé de sa résurrection et a ressuscité son ami Lazare. Il a montré à Pierre, Jacques et Jean sa transfiguration. Il leur a laissé ses instructions et leur a promis sa présence.

Pour traverser nos crises paisiblement, il faut d’abord nous tourner vers Jésus et ses promesses. « Je ne suis pas seul, car le Père est avec moi. » (Jn 16, 32) De même que Jésus s’appuie sur la présence aimante du Père, de même il nous promet sa présence aimante dans les difficultés que nous aurons à traverser. Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps. (Mt 28, 20) Jésus nous parle de la providence de Dieu avec des mots simples : Et vous donc ! vos cheveux même sont tous comptés ! Soyez donc sans crainte ; vous valez mieux, vous, qu’une multitude de passereaux. (Mt 10, 30)
Saint François de Sales nous fait même remarquer : « Les aventures de l’ancien Joseph furent admirables en variété et en passages d’une extrémité à l’autre : ses frères qui l’avaient vendu pour le perdre, furent tout étonnés de le voir devenu vice-roi, et appréhendaient infiniment qu’il ne se ressentît du tort qu’ils lui avaient fait : Mais non, leur dit-il, ce n’est pas tant par vos menées que je suis envoyé ici, comme par la providence divine ; vous avez eu des mauvais desseins sur moi, mais Dieu les a réduits à bien. Voyez-vous, Théotime, le monde eût appelé fortune ou événement fortuit ce que Joseph dit être un projet de la Providence souveraine, qui range et réduit toutes choses à son service. » (TAD II, 3, Pléiade p. 419).
Notre saint se plaît à décrire l’excellence supérieure des dons venus de la rédemption sur l’innocence originelle d’Adam. « Car, Théotime, il ne s’est pas contenté, en l’excès sacré de sa miséricorde, d’envoyer à son peuple, c’est-à-dire au genre humain, une rédemption générale et universelle, par laquelle un chacun peut être sauvé ; mais il l’a diversifiée en tant de manières, que sa libéralité reluisant en toute cette variété, cette variété réciproquement embellit aussi sa libéralité » (TAD II, 6, Pléiade p. 426).
« N’ayez pas peur ! » nous a dit le bienheureux Jean-Paul II. Saint François de Sales, en sage, nous dit : « La peur du mal est un plus grand mal que le mal ! » Benoît XVI, lui aussi, nous exhorte à la confiance, le 25 septembre 2011, en nous donnant Marie comme modèle :

« Nous allons conclure maintenant cette messe solennelle par l’Angélus. Cette prière nous rappelle chaque fois de nouveau le commencement historique de notre salut. L’archange Gabriel présente à la Vierge Marie le plan du salut de Dieu, suivant lequel elle devrait devenir la Mère du Rédempteur. Marie fut toute troublée. Mais l’ange du Seigneur lui dit pour la consoler : " Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu " (Lc 1, 30). Marie peut ainsi dire son grand « oui ». Ce « ou », par lequel elle accepte d’être la servante du Seigneur, exprime son adhésion confiante au plan de Dieu et à notre salut. Et enfin, Marie dit ce « oui » à nous tous, qui, au pied de la croix, lui avons été confiés comme fils (cf. Jn 19, 27). Elle ne renie jamais cette promesse. Et c’est pour cela qu’elle doit être appelée heureuse, et même, bienheureuse, parce qu’elle a cru à l’accomplissement de ce qui lui avait été dit de la part du Seigneur (cf. Lc 1, 45). En récitant maintenant cette salutation de l’Ange, nous pouvons nous unir à ce « oui » de Marie et adhérer avec confiance à la beauté du plan de Dieu et de la providence que, dans sa grâce, il nous a réservé. Alors, l’amour de Dieu deviendra aussi – pour ainsi dire – chair dans notre vie, il prendra toujours plus forme. Nous ne devons pas avoir peur au milieu de toutes nos préoccupations. Dieu est bon. En même temps, nous pouvons nous sentir soutenus par la communauté des nombreux fidèles qui, en ce moment, prient l’Angélus avec nous dans le monde entier, à travers la télévision et la radio. »

Prions souvent l’angélus et avançons en paix puisque : « Tous les chemins sont bons à ceux que Dieu tient de sa main » (EA XIII, p. 140-1).

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29ème jour - Le Christ, notre paix

Conduisez-vous en enfants de lumière ;
car le fruit de la lumière consiste en toute bonté, justice et vérité.
(Ep 5, 8-9)

Établir la paix dans le monde n’est pas à notre portée, mais Dieu nous fait désirer les dons qu’il veut nous accorder. Jean-Paul II commente ainsi la figure de Jean XXIII : « Ce qui l’aidait dans cette attitude d’optimisme c’était la confiance inébranlable en Dieu et en l’homme qui lui venait du profond climat de foi dans lequel il avait grandi. Fort de cet abandon à la Providence, et même dans un contexte qui semblait marqué par des conflits permanents, il n’hésita pas à proposer aux responsables de son temps une nouvelle vision du monde. Pensant à lui en cette Journée mondiale de la Paix 2003, nous sommes invités à revêtir les sentiments mêmes qui furent les siens : confiance en Dieu miséricordieux et compatissant, qui nous appelle à la fraternité ; confiance dans les hommes et les femmes de notre temps comme de tout autre temps, en raison de l’image de Dieu imprimée de la même manière dans l’âme de chacun. C’est à partir de ces sentiments que l’on peut espérer construire un monde de paix sur la terre. » (Jean-Paul II, 1 janvier 2003, §10)

« Jean XXIII identifia quatre conditions essentielles de la paix, exigences de l’esprit humain : la vérité, la justice, l’amour et la liberté. La vérité, disait-il constituera le fondement de la paix si tout homme prend conscience avec honnêteté que, en plus de ses droits, il a aussi des devoirs envers autrui. La justice édifiera la paix si chacun respecte concrètement les droits d’autrui et s’efforce d’accomplir pleinement ses devoirs envers les autres L’amour sera ferment de la paix si les personnes considèrent les besoins des autres comme les leurs propres et partagent avec les autres ce qu’elles possèdent, à commencer par les valeurs de l’esprit. Enfin, la liberté nourrira la paix et lui fera porter du fruit si, dans le choix des moyens pris pour y parvenir, les individus suivent la raison et assument avec courage la responsabilité de leurs actes » (Jean-Paul II, 1 janvier 2003, § 3).

L’année suivante, Jean-Paul II dit encore : « Nous chrétiens, nous ressentons l’engagement à nous éduquer nous-mêmes, ainsi que les autres, à la paix comme faisant partie du génie même de notre religion. Pour le chrétien, en effet, proclamer la paix, c’est annoncer le Christ qui est « notre paix » (Ep 2, 14), c’est annoncer son Évangile, qui est « l’Évangile de la paix » (Ep 6, 15), c’est appeler tous les hommes à vivre la béatitude invitant à être des « artisans de paix » (cf. Mt 5, 9).
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Soyons artisans de paix là où nous vivons.

30. Conclusion
Le passeport des filles de Jésus Christ, c’est la paix ;
la joie des filles de Notre Dame, c’est la paix. »
( Lettre à Mme Angélique Arnault, 24 janvier 1622, EA XX p. 263).

La réconciliation avec Dieu et avec nos frères, fruit de la Croix du Christ, nous procure la véritable paix. Elle est le fruit de l’action de l’Esprit Saint en nos cœurs. Cet hôte très doux de nos âmes meut notre volonté à la complaisance et achève notre perfection en l’union avec Dieu.
Au terme de cette probation, nous aurons sans doute pris conscience des efforts que nous avons à faire pour nous éduquer à la paix dans nos relations avec Dieu, dans nos relations avec les autres, et dans nos activités. Nous n’arriverons pas à être messagers de paix sans l’amour décrit par saint François comme « unifique, unissant, ramassant, resserrant, recueillant et rapportant les choses à l’unité. » (TAD I, 9)
Le pape François souhaite vivement que l’Église puisse compter sur des artisans de paix. Il nous dit : "La paix est un don de Dieu, qui doit trouver aujourd’hui encore des cœurs disponibles à l’accueillir et à œuvrer pour être des bâtisseurs de réconciliation et de paix." (le 19 juillet 2013).


Demandons à l’Esprit Saint de nous éduquer à la paix.


ABBRÉVIATIONS

- CEC Catéchisme de l’Église Catholique
- TAD Traité de l’Amour de Dieu
- IVD Introduction à la Vie Dévote
- ES Entretiens Spirituels
- EA Édition d’Annecy
AL Décret sur l’Apostolat des laïcs